Si vous n’avez pas encore défilé pancarte en main ou en distribuant des tracts pour une cause collective quelconque, vous croyez que ceux qui le font n’ont qu’une pensée simple, trop simple, celle de leurs slogans. Détrompez-vous, il s’en passe des tempêtes sous les casquettes des « défilants » ! Tenez, en voici un exemple…
Nous sommes le 25 avril 2015. Je me dépêche de rejoindre la manifestation « ni nucléaire ni effet de serre » à laquelle Défi Énergies a appelé. L’occasion, c’est le 29ème anniversaire de la cata de Tchernobyl (26 avril 1986) « dont tout le monde se souvient comme si c’était hier » titrait TV 5 Monde en 2011. J’ai vu ça hier, en effectuant quelques recherches sur Internet.
Du coup j’ai découvert que la journée nationale du souvenir des victimes de la déportation, qui se déroule le dernier dimanche d’avril pour rendre hommage à leur sacrifice, coïncide cette année avec cet autre 26 avril, tout aussi tragique, celui de 1986 où le réacteur N° 4 de la centrale atomique de Tchernobyl explose, libérant pendant 10 jours des nuages radioactifs qui contaminent toute l’Europe.
Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle : le sacrifice des déportés peut être rapproché de celui des « liquidateurs » de Tchernobyl, tout aussi sacrifiés. Et aujourd’hui samedi 25 avril 2015 après midi, une manifestation est organisée par plusieurs associations à la Rochelle comme chaque année en avril en mémoire de Tchernobyl.
Après m’être garé près du Technoforum à la Rochelle, je pars vers le Vieux Port, vêtu en homme-sandwich, où les panneaux avant et arrière prônent sobriété, économie, efficacité énergétique , l’arrêt du nucléaire, la réduction des énergies fossiles, des gaz à effet de serre et le développement des énergies renouvelables. La météo est avec nous.
En longeant l’Encan, je me réjouis, droit devant, une sono où un homme semble haranguer la foule. Craignant un retard éventuel, je consulte ma montre en accélérant le pas pour découvrir, que ce n’est pas Tchernobyl qui est célébré mais une manifestation sportive entre le Bassin à Flot et celui des Chalutiers.
Je poursuis mon chemin et, sur le quai du Carénage je dépasse un groupe de jeunes dont 2 essaient de décrypter mes panneaux sandwichs. Je m’arrête en leur demandant s’ils ont une idée du lien qui pourrait être fait entre « Non au nucléaire » et ce 25 avril. Tous restent dubitatifs. J’évoque alors les 29 ans de Tchernobyl et deux ou trois acquiescent « Ah Oui, Tchernobyl-Fukushima… ». L’un déplore même que je sois tout seul. Je leur propose donc de m’accompagner pour faire nombre, en offrant mon second panneau-sandwich. Ils déclinent poliment mais souhaitent me faire un « selfie » au milieu de leur groupe, pour le mettre sur un compte Facebook !
Plus loin, Quai Duperré, les terrasses sont bondées, les nombreux piétons déambulent le long du Vieux Port sans prêter beaucoup d’attention à mes amis militants en train de dérouler et hisser quelques banderoles au bout du Cours des Dames. Trois clowns essaient de capter l’attention des passants devant l’Amiral Duperré mais peu s’arrêtent et ce sont plus les militants qui font cercle face aux artistes.
Nanti d’une brouette-à-documentation, je tente de distribuer quelques dépliants, sur le quai avec 1 ou 2 militants qui tentent leur chance avec tracts et ballons antinucléaires. Ces dépliants de l’ADEME expliquent comment faire la transition énergétique et permettre de se passer de la production maudite autant que des combustibles fossiles.
J’ai pu avoir deux ou trois conversations intéressantes avec des passants, par exemple sur le chauffage au bois avec des gens qui en ont le projet (dont l’un auprès d’un couple qui fait construire à Salles d’Angles.)
Une déambulation aller-retour jusqu’au quai du Carénage, avec photo souvenir, a permis de nous compter (45 personnes) mais n’a pas été plus favorable à faire de la pédagogie.
Nous avons pu bénéficier de quelques encouragements, mêlés à certaines provocations du genre : « Moi je suis pour le nucléaire et les OGM ». Comment cinquante courageux peuvent-ils amener débat et réflexion auprès de milliers de passants profitant pleinement d’un bel après midi de printemps ? Cette absence d’engagement politique, associatif, …signifie-t-il un individualisme que rien ne vient entamer ?
Je n’ai pas aperçu le moindre média ce 25 avril alors que ce sont eux qui devraient être les vecteurs, les relais de l’information permettant réflexion et prise en compte de « l’autre » dans l’intérêt général de tous. Ah si, France Bleu était là, du côté des animations sportive, c’était plus près de leurs bureaux…
Je me souviens que le 26 avril 1986 et dans les jours suivants, c’est moins cette catastrophe nucléaire que le mensonge des autorités qui m’avait le plus marqué. Le sacrifice des déportés est commémoré, le sacrifice des « liquidateurs » de Tchernobyl est oublié quand il n’est pas nié.
Quant au climat et à la façon d’éviter qu’il dérape, on en parle de plus en plus, tandis que les émissions de gaz à effet de serre augmentent, augmentent …
Nos gouvernants et les lobbys doivent être pleinement satisfaits en constatant que leurs « sujets », tels les autruches, essayent de ne pas trop penser à ce qui nous menace gravement et qui pourrait être tellement évitable !
Propos recueillis auprès de Luc Dazy