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Climat : le découplage entre consommation d’énergie et croissance du PIB ne suffira pas

Constat dressé par Eurostat, l’Office statistique de l’Union Européenne : pendant les 6 années de 2006 à 2012 la consommation intérieure brute d’énergie a baissé de 8%. L’Europe semble donc bien partie pour atteindre son objectif de réduire sa consommation énergétique de 20% d’ici à 2020, même sans « l’aide » de la crise économique. Et pourtant c’est mal parti pour le climat. Analyse.

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24 états membres sur 28 ont vu leur consommation intérieure brute d’énergie baisser entre 2006 et 2012 tandis que quatre autres pays ont augmenté leur consommation globale d’énergie : l’Estonie (+11,6%), les Pays-Bas (+2,9%), la Pologne (+0,8%) et la Suède (+0,3%). Les trois premiers pays consomment essentiellement des énergies fossiles, alors qu’elles ne constituent que 3% du mix énergétique suédois.

On imagine immédiatement que la crise est la cause première de cette baisse globale de la consommation d’énergie primaire. Mais en fait c’est bien à un découplage entre PIB et énergie que nous assistons.

Nous en trouvons une fois de plus la preuve dans le cas de l’Allemagne. Sa croissance économique ne l’a pas empêchée de diminuer sa consommation d’énergie de 9,2% par rapport à 2006, alors que le PIB de 2012 fait 6 % de plus que celui de 2006.

Enfin ça baisse vraiment

Le cas Allemand n’est pas le seul à montrer que le découplage d’avec le PIB est bien entamé : c’est confirmé par les chiffres d’autres pays. Par exemple la baisse de 5,3 % de la consommation énergétique de la France, pour une baisse du PIB de 1%. Ou encore la baisse de consommation de 12 % du Royaume-Uni face à + 2% de PIB, et celle de 12 % aussi de l’Italie, pour une baisse du PIB de 5 %.

C’est d’autant plus significatif que ces chiffres sont les consommations d’énergie primaire. Ce qui signifie que l’électricité n’est pas comptée en tant que telle, mais ce sont les ressources consommées par les centrales pour produire l’électricité qui sont comptées à sa place. C’est cette consommation qu’il est important de diminuer et il est intéressant de constater qu’on peut le faire sans « tuer » la croissance.

Quels échanges pour quelle croissance ?

Bien sûr cela n’enlève rien à la question du type de croissance qui est compatible avec une diminution rapide des consommations d’énergie et des émissions de GES. Mais une autre question, moins souvent discutée, est cruciale quant au succès de la prochaine « conférence des parties » pour le climat : les états peuvent-ils réellement s’engager à Paris en 2015 ? Ont-ils encore la capacité d’influencer le cours des choses ?

Ce qui les empêche déjà d’agir se cache dans des centaines de traités internationaux conclus pour libéraliser le commerce. Les états qui se réuniront à Paris fin 2015 pourront-ils faire sauter ces verrous ?

Que disent ces accords de libéralisation du commerce international ? Ils visent à effacer ce qui limite les entreprises à potentiel multinational, avec des mécanismes d’arbitrage pour les « protéger contre les protectionnismes » des états.

Voici quelques exemples « climaticides » de leurs effets : des programmes de développement des renouvelables ont été bloqués en Chine, en Italie, en Grêce, en Inde, aux USA etc. par les plaintes déposées par d’autres états, avec l’argument que ces programmes reposaient sur du soutien au développement de leurs filières nationales, donc défavorisaient les entreprises extérieures sur ces marchés potentiels.

Et le climat ?

C’est ainsi que, même dans la lutte contre les émissions mondiales de GES, le droit commercial prime sur tous les programmes nationaux, faute d’un accord climat international. C’est cette prééminence qu’il faut inverser à Paris dans quelques mois, sinon nous resterons toujours dans la logique de concurrence, alors qu’en matière de climat on devrait être depuis longtemps dans une logique de coopération.

Les bonnes raisons politiques ne manquent pas pour s’attaquer à cette inversion du droit : car quelle justification y a-t-il à ce qu’un état étranger ou une firme transnationale empêche une démocratie de légiférer à sa guise sur la santé et l’environnement ? Et comment peut-on encore soutenir cette prééminence du droit commercial face à ce bien commun qu’est le climat ?

Ce qui se passe déjà avec les traités actuels, le TAFTA (ou TTIP) l’aggraveront encore en donnant directement aux entreprises le droit d’attaquer les états. En matière de gestion du problème mondial du climat, il est suicidaire d’en rester là.

Sources :

Pour l’énergie : www.lenergieenquestions.fr/eurostat-fait-le-bilan-de-la-consommation-denergie-en-europe-entre-2006-et-2012/

Pour le PIB : http://donnees.banquemondiale.org/

Pour les traités de libéralisation du commerce : le livre de Naomi Klein « TOUT EST POSSIBLE » pages 86 et suivantes

Une belle victoire des ONG

Les banques se vantent de contribuer à la transition énergétique. Pourtant elles continuent à financer des projets d’extraction de charbon, pétrole, gaz de schiste etc. Comment les en dissuader ?

« Les grandes banques françaises ne lésinent pas sur les moyens pour gagner la confiance de leurs clients. A les écouter, elles ne participent pas seulement à la transition énergétique mais ont fait de la lutte contre les changements climatiques leur priorité » (3) déclarait Lucie Pinson, chargée de campagne Banques privées / Coface pour « Les Amis de la Terre » en février 2015. Mais elle ajoutait « les soutiens des banques au charbon suivent la même courbe que leur enthousiasme à se vanter de leur activité verte : ils ont clairement augmenté entre 2005 et 2013, de 212 % précisément ! »

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C’est pourquoi Les Amis de la Terre se sont entendus avec Market Forces et Sunrise Project, deux ONG australiennes, pour lancer une campagne contre de grandes banques qui s’étaient inscrites au tour de table du financement d’une grande mine de charbon dite « Galilée » dans l’Est de l’Australie, pour la société Alpha Coal. Ces 3 ONG ont gagné, au moins en France : la Société Générale, le Crédit Agricole et BNP Paribas ont annoncé début avril qu’elles se retiraient de ce projet ! Le « risque réputationnel » les a rendues sages. Bien entendu ce n’est qu’une petite bataille dans la guerre à mener contre la poursuite de l’exploitation des ressources énergétiques fossiles.

Le GIEC nous a prévenus : pour conserver une chance sur deux de contenir la hausse des températures suns la barre des 2 ° C par rapport à la période préindustrielle, les émissions de CO2 ne doivent pas dépasser environ 1 milliard de tonnes d’ici à 2050 (*) . Or les réserves fossiles connues permettraient d’en émettre 3 fois plus. Non seulement il ne faut plus faire de recherche de pétrole, charbon, et autres hydrocarbures non-conventionnels puisque nous ne devrons pas y toucher, mais en plus il faut laisser sous terre les 2/3 des réserves déjà connues !

Dans la revue Nature du 8 janvier, deux chercheurs britanniques de l’University College de Londres ont publié une étude sur les conséquences de cette contrainte climatique. Leur objectif était de proposer une répartition des restrictions qui optimise -sur le plan économique- l’utilisation des ressources fossiles encore « autorisées ». Résultats : il faut laisser sous terre 35 % des réserves de pétrole, 52 % des réserves de gaz, et 88 % des réserves de charbon.

Comme le renoncement au projet de mine de charbon de Galilée en Australie est loin de correspondre à un tel niveau d’exigence, il y a de bonnes raisons de continuer à menacer les banques de mauvaise réputation en raison de leurs contributions au dérèglement climatique. (**)

Mais comment un particulier peut-il identifier les banques dont il faut se retirer pour peser sur elles ? Elles n’affichent pas leurs crédits aux entreprises du carbone fossile ! C’est pour surmonter ce manque de transparence que Les Amis de la Terre ont publié un guide à l’usage des épargnants : « Comment choisir ma banque »

http://www.amisdelaterre.org/climat-comment-choisir-ma-banque.html D’autres acteurs de la lutte contre le dérèglement climatique invitent les fonds de pension, les collectivités territoriales, les diverses institutions qui ont des niveaux d’épargne significatifs, à retirer leurs fonds des entreprises du carbone fossile. Chacun peut relayer cet appel à sa mairie ou à sa caisse de retraite par exemple.

Le Conseil de Paris a d’ailleurs pris une délibération en faveur du désinvestissement dans ces entreprises. Paris dispose déjà d’une caisse de retraite par capitalisation pour ses anciens conseillers, qui bien sûr est visée par cette délibération. Et d’une manière générale, il en est des villes comme des particuliers : elles ont en banque des comptes courants et des fonds de réserve. Toutes nos Collectivités territoriales ont donc un levier à leur disposition pour se retirer du financement des entreprises du carbone fossile.

D’autres institutions en disposent elles aussi. C’est ainsi qu’une association des anciens élèves de la célèbre Université d’Oxford lui ont demandé de retirer leur épargne de ce secteur économique « climaticide ».

Le mouvement est enclenché. Relayons-le !

(*) Compte tenu de ce qui a déjà été émis, il ne reste que moins de 600 millions de T de CO2 d’émissions « autorisées »

(**) D’autant plus que les banques françaises n’ont renoncé qu’à la mine de Galilée. Selon BastaMag elles demeurent impliquées dans d’autres projets de la même Cie Alpha Coal : « Dans l’État de Victoria, elles sont en première ligne pour renflouer des centrales à charbon extrêmement polluantes et controversées, appartenant à GDF Suez.   BNP Paribas et la SocGen figurent aussi parmi les soutiens de la mine de charbon de Maules Creek, dans l’État de Nouvelle Galles du Sud. Ce projet vise lui aussi a exporter des millions de tonnes de charbon. »

Sources

Pressées par les ONG trois banques françaises se sont retirées d’un projet minier , article paru dans Le Monde du 10 avril 2015

Les Maires doivent s’engager contre les combustibles fossiles, article paru dans Le Monde du 31 mars 2015

Des réserves fossiles rationnées pour éviter le surchauffe, article paru dans Le Monde du 9 janvier 2015